Tandis que l’industrie mondiale s’épuise à graver toujours plus fin, la Chine vient de lancer la production de masse d’une puce d’IA « non-binaire », mariant logique classique et calcul probabiliste. Piloté par le professeur Li Hongge à l’Université Beihang, le projet s’appuie sur une approche baptisée Hybrid Stochastic Number (HSN) computing, où les données sont encodées en flux de probabilités plutôt qu’en suites figées de 0 et de 1.

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Pourquoi abandonner le tout-binaire ?

  • Tolérance aux fautes : Les calculs restent stables même lorsque le signal est bruité ou qu’un transistor flanche ; idéal pour l’avionique et les robots industriels. 9meters.com
  • Sobriété énergétique : Les opérations sur nombres stochastiques s’avèrent plus légères que les multiplications flottantes classiques ; la puce cible moins de 1 W dans certaines configurations embarquées. thetechtribune.com
  • Résilience aux sanctions : Gravée en 28 nm et 110 nm sur des lignes déjà maîtrisées en Chine, elle échappe aux restrictions visant la lithographie EUV < 7 nm. trendforce.com

Sous le capot : l’architecture HSN

💡 Dans un flux HSN, « 110011… » représente p≈0,5 ; deux flux entrent dans une porte ET pour une multiplication de probabilités, réduisant les besoins matériels.

Premiers déploiements industriels

  • Navigation d’avions régionaux : filtrage de bruit capteur et fusion de données inertiales.
  • Robots de chaîne de montage : contrôle en temps réel sous vibrations, avec une baisse de 60 % de la consommation par rapport à un MCU ARM équivalent.
  • Écrans tactiles et d’instrumentation : détection fiable d’interactions faibles sur dalles XXL. scmp.com notopedia.com

Atouts stratégiques

Limites et défis à surveiller

  • Écosystème logiciel : compiler du PyTorch ou TensorFlow vers HSN reste expérimental ; un SDK RISC-V dédié est annoncé mais non public.
  • Densité logique : en 110 nm, la surface siliconée explose si l’on augmente trop la largeur de flot stochastique ; l’adaptation à des tâches lourdes (LLM, diffusion) est encore hors de portée.
  • Validation indépendante : les benchmarks proviennent pour l’instant d’études internes ; il faudra des mesures tierces pour convaincre le marché mondial. angelone.in

Que signifie ce tournant ?

« La fin de la loi de Moore ne tue pas l’innovation, elle l’oriente », résume un chercheur du CNRS.

En s’éloignant de la course au transistor miniature, la Chine ébauche une troisième voie : repenser l’architecture pour gagner en efficacité et contourner la dépendance technologique. Les États-Unis visent surtout les GPU haut de gamme et les nœuds sub-5 nm ; une architecture probabiliste sur nœuds matures passe donc sous les radars des sanctions, tout en répondant aux besoins énergétiques des systèmes embarqués.

Conclusion

La première puce « non-binaire » produite à grande échelle n’écrasera pas demain les datacenters GPU, mais elle pourrait redéfinir l’IA où la fiabilité prime sur la puissance brute : avions, satellites, robots de forage, dispositifs médicaux. Si son écosystème logiciel se consolide, elle deviendra l’exemple-clé prouvant qu’en 2025, la véritable rupture n’est plus toujours dans le nanomètre… mais dans la logique même du calcul.